Géraldine BAFFOUR

La Belle-Angèle est la réplique d'un Chasse-marée, construite pour la jolie ville de Pont-Aven. Son ancêtre, l'Utile, transportait du sable, des blocs de pierre, du pinard, bref tout un tas de choses qui aujourd'hui sont acheminées par des gros  cargos "vrachiers", par la route ou le train. En 1870 le moyen de transport le plus rapide était encore la voile, et ces voiliers gréés au tiers étaient conçus pour pouvoir aussi bien naviguer jusqu'en Espagne que pouvoir remonter les rivières, telles l'Aven ou l'Odet en Bretagne Sud. Ce type de voile permet en effet de pouvoir envoyer ou amener toute la toile sans etre face au vent, ce qui est bien pratique dans une rivière étroite où l'on risque de s'échouer à tout moment.
Les voiles sont simplement "carguées", c'est à dire ramenées le long du mat, comme sur la photo suivante :

Le petit port de Pont Aven, bien avancé dans les terres, grouillait à cette époque de ce type de navires. On raconte que Gauguin, natif de ce village, était tombé fou amoureux de la fille du patron de l'Utile, qui ne voulut jamais la lui donner en mariage. Elle s'appelait Angèle et lui inspira le chef d'oeuvre "la Belle Angèle".



Reconstruite à l'occasion du Concours des bateaux du patrimoine des côtes de France, à partir de photos récoltées entre autre dans un tome de Ar Vag, par le chantier du Guip de l'Ile aux Moines, elle appartient toujours à l'association Belle Angèle, fondatrice du projet. Elle mesure 14,5 m de coque, 24,5m hors tout et porte 5 voiles formant 195 m carrés de voilure : le foc, la misaine, le taillevent et son hunier puis le tape-cul.

L'été, l'association GOUELIA permet au navire de naviguer, et propose des sorties à la journée, croisières et séminaires au départ le plus souvent de Concarneau. L'équipage est composé d'un capitaine et de son matelot.



Pour plus d'infos :
www.gouelia.com
www.amisdesgrandsvoiliers.org
http://pays-de-gauguin.com/belle-angele/main-belle-angele.htm

La Belle-Angèle fut le premier vieux gréement sur lequel j'ai navigué en tant que matelot professionnelle, à partir de début juin 2008. Nous avons participé à la semaine du patrimoine organisée à Brest, pendant laquelle nous avons fait naviguer des écoliers de la ville, accompagnés des autres voiliers de Gouelia (Corentin, Belle Etoile, Dalh Mad), de la Recouvrance et de Notre Dame de Rumengol.
Puis les superbes journées aux Glénan, et la préparation du navire pour les fêtes de Brest 2008.



Malheuresement sur le chemin de Camaret, la veille du début des festivités, nous avons du faire face à un départ de feu sur le palier de l'hélice. Plus de peur que de mal heuresement, car la situation a été maitrisée rapidement à l'aide des extincteurs et de l'intallation fixe de CO2. Mais sans palier, donc sans hélice, donc sans moteur, inutile de s'acharner à rejoindre Brest, où toute manoeuvre de port aurait été impossible. Retour piteux à Concrneau, remorqués par la SNSM, et fin de la saison pour ce fier navire.

Bien proche du chômage technique, j'ai été plus que soutenue par mon capitaine et les équipages des autres voiliers de Gouelia. Le rythme des fêtes de Brest étant très soutenu pour les marins, une rotation d'équipage a été organisée et j'ai ainsi pu naviguer sur le Popoff et le Corentin en remplacement.



Puis ce fut la grande parade entre Brest et Douarnenez, en passant par les fameux Tas de Pois, en compagnie de pluysieurs centaines de vieux gréements.



Ont suivi les fetes de Douarnenez où j'ai beaucoup navigué sur le Dalh Mad pour y être formée, en vue d'y etre matelot pendant deux semaines dans le Golfe du Morbihan.



Mais les malheurs n'arrivant jamais seuls, une des matelots du Corentin fut blessée lors d'une sortie en mer, l'empêchant de poursuivre la saison.

Là où Gouelia pensait avoir des marins de trop, nous étions à présent trop peu nombreux. J'ai tout de meme pu embarquer pendant 2 semaines à bord du Dalh Mad. Basés à Locqmariaquaer dans le Golfe du Morbihan, nous organisions des sorties à la demi-journée dans le Golfe, ou à la journée vers Hoedic. L'équipage, composée de ma capitaine et de moi, a fait beaucoup jaser les vedettes à passager, amusées d'un équipage entièrement féminin à bord d'un vieux gréement!



Le Dalh Mad est une réplique d'un sloop de bornage de la ville de Landerneau. Cette ville marchande est située aux bords de l'Elorn, rivière qui s'écoule jusque dans la rade de Brest. L'ancêtre du Dalh Mad, la Sainte-Anne, dont la coque est toujours visible au port Rhu à Douarnenez, fut le premier voilier de la rade à être équipé d'un moteur. Il transportait principalement du sable et du maerl, comme les gabarres, beaucoup plus grosses, et qui ne pouvaient pas toujours remonter les rivières aussi loin que ce petit sloop de 13 m de coque. L'été il draguait la coquille saint jacques.

Puis 3 jours à bord de la Belle Etoile à Camaret, reconstruction à l'identique du langoustier du même nom.





Enfin j'ai fini la saison sur Corentin, le lougre de l'Odet, avec lequel j'ai participé à une pêche au thon à l'ancienne.

Pour cela nous avons gréé 2 forts tangons au pied du mat de taillevent, sur lesquels étaient amarrées les lignes à thon par notre maître de pêche. Direction les accords du Golfe de Gascogne, là où les fonds plongent rapidement et où l'on trouve une forte concentration de vie marine. Armés de 11 lignes de pêche au total, les thons étaient bien cachés mais nous avons vu des dizaines de rorquals communs, longs de plus de vingt mètres! magnifique!

Enfin la saison presque achevée, tous les voiliers de Gouelia et des dizaines d'autres vieux gréements furent conviés à la fête de la Belle Angèle qui a lieu chaque année à Pont Aven à la fin du mois d'Aout. La remontée de l'Aven à bord du Corentin en compagnie d'un groupe de chants de marin fut fantastique, ainsi que la fête qui s'ensuivi.